Comment innover en pédagogie de la santé grace à l’ergonomie mentale ?

La mécanisation et la complexité des activités rendent certaines tâches plus difficiles qu’elles ne l’étaient auparavant. L’évolution du monde du travail pousse inévitablement l’Homme à s’adapter à des contraintes nouvelles. Ce mouvement s’accompagne de plusieurs avancées technologiques qui nécessitent des interactions avec des systèmes de plus en plus performants.

Au sein de plusieurs laboratoires, le processus fondé sur l’interaction rationnelle permet la création de services adaptés à l’Homme. Plusieurs disciplines sont associées, parmi lesquelles l’intelligence artificielle, la linguistique, mais aussi l’ergonomie mentale. Dans ce contexte, les observations comportementales des systèmes et des utilisateurs sont au cœur des enjeux de l’ergonomie cognitive. Cette pratique s’efforce, en effet, d’améliorer la relation qu’entretiennent l’individu et la machine. Les processus mentaux, psychiques et cognitifs sont passés au crible pour réduire la charge mentale liée aux exigences professionnelles modernes.

L’ergonomie cognitive et l’étude des processus psychiques :

L’approche cognitive, dans l’analyse de l’activité cérébrale, a pour objectif de faire coïncider les systèmes de travail et le fonctionnement de l’Homme. L’ergonomie agit dans la perspective d’adapter le travail à l’individu, pour ainsi réduire la charge mentale engendrée par la complexité des tâches. À partir d’un modèle décrivant les registres de l’échange en pédagogie, la pratique de l’ergonomie rend compte des liens possibles entre l’intervenant et les savoirs. Elle se distingue en trois principaux champs d’investigation : l’étude des processus (psychologiques, sociaux…), l’étude des astreintes (stress, charge mentale et musculaire…) et enfin l’étude des aménagements techniques liés aux conditions de travail.

L’Association Internationale d’Ergonomie (IEA) définit la discipline par l’étude de plusieurs facteurs comme la « perception, la mémoire, le résonnement et les réponses motrices, dans leurs effets sur les interactions entre les personnes et d’autres composantes d’un système ».

Au cours des dernières décennies, l’approche de cette discipline suscite un intérêt grandissant, notamment avec l’essor des interfaces techniques qui nécessitent des formations régulières. L’ergonomie mentale se fonde ainsi sur trois dimensions comportementales intégrantes de l’interaction homme-machine: l’aspect cognitif, physique et organisationnel de l’individu.

Dans ce contexte, l’ergonomie mentale décrypte et analyse les comportements des systèmes et des individus au cours d’une interaction. Les observations effectuées sont résumées sous la forme d’un diagnostic, dans lequel les ergonomes vont puiser leurs informations pour traiter un problème particulier. Ce corpus est souvent enrichi par des expérimentations et des simulations en « Magicien d’Oz » (WOZ pour Wizard of Oz), une technique pratiquée dans le cadre de tests utilisateurs. Par exemple, un sujet croit interagir avec une intelligence artificielle vocale, alors que la voix n’est en réalité que celle d’un complice, dissimulé dans une autre pièce. Le WOZ est une manière de tester et valider les principes ergonomiques de conception d’un début de projet, et d’investir de plus larges champs d’études. À cet égard, l’expérience permet de mettre en œuvre des dispositifs évolutifs adaptés à des contraintes variées, issues d’un environnement techniquement contraint.

Évolution et progrès de l’ergonomie éducative :

En pédagogie, les idées de productivité et d’efficacité sont dominantes dans de nombreux discours mais il n’y a, en réalité, aucune pratique spécifique qui puisse amener à des résultats satisfaisants. À plus grande échelle, certaines démarches peuvent avoir des effets particulièrement positifs sur l’élève. Différents facteurs, très variés, ont un impact plus ou moins avantageux sur les capacités d’un individu ; l’environnement de travail peut, par exemple, influencer la qualité et l’efficacité des tâches accomplies.

Les pratiques ergonomiques augmentent le temps d’enseignement et réduisent celui dédié à la discipline, ce qui contribue à affermir les résultats des individus formés. La mise en œuvre de cette méthode éducative passe par la formation des professeurs et la création de nouvelles approches pédagogiques. Les nouveaux supports d’enseignement et le développement des disciplines pratiques s’ancrent dans perspective d’optimisation de l’apprentissage. En effet, comment pouvons-nous savoir si nos hypothèses sont réalistes ou imparfaites? La pratique répond justement à cette problématique. L’élaboration d’une réalisation concrète nous permet de retrouver une certaine satisfaction en montrant ce que l’on sait faire. Il s’agit-là d’un principe fondamental qui reprend les enjeux de la ludopédagogie, en facilitant l’intégration des informations par le plaisir. L’objectif étant, au travers d’une expérience matérielle, de susciter l’intérêt à chaque objectif atteint. Un apprentissage purement académique ne présente, cependant, aucun intérêt pédagogique sans la mise en application des notions apprises.

Une science pour mieux appréhender les nouvelles conditions d’apprentissage:

L’ergonomie mentale est une discipline scientifique qui, nous l’avons vu, s’occupe de l’interaction entre les Hommes et les éléments d’un système. La profession applique des théories psychologiques pour optimiser le bien-être des travailleurs et mieux les confronter aux nouvelles exigences techniques. L’ergonomie cognitive est donc indispensable, car elle soulève une véritable question de santé publique. Face aux contraintes physiques et aux rythmes de travail changeants, la pédagogie semble être un moyen essentiel pour concilier les travailleurs avec un environnement évolutif. Au sein de la sphère professionnelle, l’ergonomie doit enseigner toute la complexité des néo-technologies et, dans certains cas, adapter ces conditions d’apprentissage aux côtés des institutions concernées.

Ainsi, les ergonomes traitent de domaines souvent très variés. Contrairement à ce que l’on peut penser, l’ergonomie ne cherche seulement à trouver des solutions pour améliorer les gestes et la posture des travailleurs. Elle cherche, en effet, à solutionner deux grands problèmes. L’un concerne évidemment les individus en termes de santé, de bien-être et de compétences ; l’autre s’intéresse directement aux entreprises, en travaillant sur l’amélioration des conditions de travail. L’objectif pour l’ergonome étant de trouver une solution équitable entre les deux parties, en prodiguant des recommandations matérielles ou organisationnelles. L’ergonomie doit être à la hauteur des nouvelles ambitions professionnelles, en accompagnant les individus dans l’acceptation de leurs conditions de travail.

Une approche sensible des problématiques de santé:

Le modèle développemental de la santé est utilisé préférentiellement dans la pratique de l’ergonomie cognitive. Il prend racine dans les recherches du philosophe français Georges Canguilhem, qui distingue les mécanismes de la maladie et de la santé. Plusieurs de ses travaux perçoivent la santé et la pathologie comme deux dynamiques différentes, impliquées dans la relation entre l’individu et son environnement. C’est ce que l’auteur appelle la « normativité vitale », une notion qui affirme la primauté du vivant face aux contraintes sociales.

Il arrive, dans certains cas, que les conditions de travail puissent avoir des effets à long terme sur la santé. Le diagnostic et l’étude des astreintes réalisées par l’ergonome permettent de comprendre et de limiter l’impact d’une activité sur la santé d’un individu. L’intensification de l’activité peut mener à des infra-pathologies liées au stress, pouvant causer des accidents du travail voire des maladies d’origine professionnelle. Les troubles musculo-squelettiques (TMS) sont la première cause de maladies inhérentes de l’activité professionnelle. Ils recouvrent un ensemble d’affections de l’appareil locomoteur et se traduisent par des douleurs rachidiennes, au niveau de l’épaule et du coude. L’exposition à des contraintes physiques peut accentuer de façon considérable le risque de maladies chroniques, parfois aggravées faute de suivi. Dans de rares cas, cette situation nécessite une prise en charge en milieu hospitalier, en soins d’urgence.

La santé peut avoir, cependant, une capacité d’emprise sur l’environnement par l’individu. Plus explicitement, être en santé c’est être capable d’améliorer le cadre de vie, mais aussi d’avoir le contrôle sur ses variations. Pour reprendre les travaux de Canguilhem, la santé « est une assurance vécue au double sens d’assurance contre le risque et d’audace pour le courir. C’est le sentiment d’une capacité de faire du corps ce qu’il ne semblait pas promettre d’abord ». D’un point de vue opérationnel en ergonomie, on ne cherche pas seulement à limiter la dégradation de la santé des travailleurs mais aussi à former un environnement de travail propice à la réussite. C’est ce que l’on appelle un « environnement de travail capacitant ».

Conclusion :

La pratique de l’ergonomie cognitive regorge de potentiels inespérés pour réconcilier l’individu avec son activité. Depuis plusieurs dizaines d’années, l’évolution continue du monde du travail a bouleversé les capacités exigées des travailleurs. La recherche de productivité et d’efficacité est un facteur à l’origine de certains troubles liés à l’activité professionnelle. Ainsi, l’ergonomie mentale appréhende ces nouvelles contraintes en limitant les effets néfastes de nouvelles exigences physiques ou morales. Cette discipline s’inscrit dans une démarche moralisatrice au sein des entreprises, tout étudiant les réactions psychiques des individus, face à des systèmes qui leur sont inadaptés.